RIMBAUD AUX SIENS
Harar, 12 mars 1881.
Chers amis,
J’ai reçu avant-hier une lettre de vous sans date, mais timbrée, je crois, du 6 février 1881.
J’ai déjà reçu, par vos lettres précédentes, nouvelle de votre envoi ; et le colis doit se trouver à présent à Aden. Seulement, j’ignore quand il prendra le chemin de Harar. Les affaires de cette entreprise-ci sont assez embrouillées.
Mais, vous dites avoir reçu ma lettre du 13 décembre 1880. Alors, vous auriez dû recevoir par la même occasion une somme de cent francs que j’ai commandé à la maison de vous envoyer, à la date du 13 décembre 1880 ; et, votre lettre étant partie du 10 février environ, vous auriez dû également recevoir une 3e somme de cent francs que j’ai commandé à la maison de vous envoyer, à la date du 10 janvier 1881, par lettre à eux, et lettre à vous, à cette même date du 10 janvier.
J’ai écrit pour savoir comment cela a été réglé. Il est vraisemblable que vous n’ayez pas encore reçu ma lettre du 10 janvier à la date où vous avez écrit la vôtre, c’est-à-dire au 16 février ; mais je me demande ce qu’il est advenu de la demande d’argent qui accompagnait ma lettre du 14 décembre 1880, lettre que vous dites avoir reçue. En tout cas, il n’y a rien de perdu si l’on n’a rien envoyé. Je vais me renseigner définitivement. – Figurez-vous que j’ai commandé deux vêtements de drap à Lyon en novembre 1880 et que je serai peut-être longtemps encore sans les recevoir. En attendant, j’ai froid ici, vêtu que je suis des tenues de coton d’Aden.
Je saurai, dans un mois, si je dois rester ici ou déguerpir, et je serai de retour à Aden au moment où vous recevrez ceci. J’ai eu des ennuis absurdes à Harar, et il n’y a pas à y faire, pour le moment, ce que l’on croyait. Si je quitte cette région, je descendrai probablement à Zanzibar, et je trouverai peut-être de l’occupation aux Grands Lacs. – J’aimerais mieux qu’il s’ouvrît quelque part des travaux intéressants, et ici les nouvelles n’en arrivent pas souvent.
Que l’éloignement ne soit pas une raison de me priver de vos nouvelles. Adressez toujours à Aden, d’où cela me parviendra.
À bientôt d’autres nouvelles.
Bonne santé et bonheur à tous.
RIMBAUD.